lundi 20 juin 2011

Gabon / Environnement : Le Gabon a subi presque une invasion de la part des populations venues du Cameroun

Dans une interview accordée au directeur technique de l’ANPN (Agence Nationale des Parcs Nationaux, Mike Fay nos confrères du quotidien (Gabon Matin), reviennent sur les conditions d’expulsion de toutes les personnes qui se trouvaient dans le parc de Minkébé, également les activités illicites dont ces étrangers en situation irrégulière s’étaient rendus coupables avec, notamment, le massacre d’au moins 1000 éléphants.

Qu’est ce qui peut justifier l’arriver massive de ces étrangers ?

Mike Fay : ‘’Le campement de Minkébé a toujours attiré du monde. Cette situation ne date pas d’aujourd’hui. Toute fois, en remontant dans le temps, on peut dire, sans risque de sa tromper, que comme le campement   de Minkébé, l’orpaillage existe depuis plus de 20 ans dans cette zone. C’est cette situation qui est à l’origine de cette arrivée massive des populations d’origine étrangère.

Selon des informations recueillies dans la région, sur ce site et à l’époque coloniale, on rencontrait des orpailleurs artisanaux. Pendant longtemps Minkébé était plus ou moins un campement d’orpaillage plus ou moins local. Cette activité était l’œuvre des Kota et les Kwélé qui vivaient dans la ville de Makokou et de ses environs. Dans les années 2003-2004, on dénombrait à peine 200 personnes là-bas. Je me souviens, en 2003, que les habitants étaient au nombre de 187. A la même période aussi, les autorités du parc et les populations composées essentiellement d’orpailleurs ont géré plus ou moins la situation. Les habitants creusaient l’or et protégeaient également le parc.

Les responsables du parc et les populations étaient parvenus, disons-le, à une sorte d’entente tacite en vue de protéger leurs intérêts mutuels. Deux années plus tard, le prix de l’or commence à prendre de l’ampleur sur le marcher international. Et depuis deux ans avec l’explosion des prix de d’or, on a enregistré une véritable explosion dans l’effectif sur le chantier. Et depuis deux ans aussi environs, la population a doublé depuis 2005. Depuis cette année, elle a franchis la barre des 5000 habitants. Nous avons, à plusieurs reprises, signalé ce problème au gouvernement, étant donné que la plus part des orpailleurs étaient des étrangers en situation irrégulière. Le gros lot était d’origine camerounaise.

Cette communauté était forte de plus de 2000 personnes toutes en situation illégale. Des sans-papier qui photocopiaient des documents au Cameroun en y apposant de faux cachets. Ces documents comportaient des noms fabriqués. Il n’y avait aucun contrôle dans la zone. Dans le même temps, nous avons dénombré pas moins de 10 représentants de pays d’Afrique de l’Ouest. Dans cette opération de dénombrement, nous avons découvert la présence de plusieurs centaines de Guinéens et dont le nombre prenait de l’ampleur au fur et à mesure que le temps passait.

Tout ces gents venaient de très loin, notamment de l’Afrique de l’Ouest, pour s’installer directement à Minkébé. Parce qu’ils ont entendu chez eux qu’ils pouvaient venir au Gabon sans avoir la moindre crainte. Le Gabon a subi presqu’une invasion de la part des populations venus du Cameroun.

Peut-on parler, comme autrefois, qu’il s’agissait d’une veritable ruée vers l’Or ?

Non, on ne peut pas à proprement parler d’une ruée vers l’or. Il s’agissait plutôt d’une explosion des populations. Ces clandestins avaient une route qu’ils ont établie depuis le Cameroun et que les gens du milieu ont appelée la transminkébienne. C’était donc une route pour piétons, comme il en existe beaucoup au Cameroun, pour atteindre des villages lointains.

Cette piste  piétonne avait pour point de départ la localité de Djoum au Cameron. Puis, elle traversait la frontière pour déboucher directement au campement de Minkébé. On peut dire que cette piste était la grande voie de communication pour les gens. On y notait un important trafic de personnes et des biens. Bien sur, ce n’était pas une autoroute mais cela y ressemblait. On y rencontrait, de temps en temps des voyageurs à motos. Qui circulaient sur cette piste plusieurs de centaines de fis par jour.

Pouvez vous nous raconté comment s’est déroulée l’évacuation, parce qu’il nous est revenu que les expulsés n’ont rien emporté. Certains d’entre eux auraient saisi le président de la république pour qu’ils leur soient autorisés d’aller récupérer leurs effets. Qu’en est-il exactement.

Tout ce que l’on raconte est faux. J’ai vu tout ce qui s’est passé le troisième jour car j’y étais. Les militaires sont arrivés en hélicoptère dans la zone. Il y’avait un peu moins de 100 soldats qui ont débarqué. Une fois sur place, ils ont invité tout le monde à quitter les lieux, conformément aux ordres donnés par le gouvernement. Tout le monde a été invité à partir.

Dans les instants qui ont suivi, les gens se sont mobilisés pour partir. Je suis arrivé dans la matinée du 3ème jour, donc à la fin des 72 heures ; et très peu du monde restait encore sur les lieux. Avant de partir, les militaires ont invité chacun à prendre ce qu’il pouvait porter, parce que tout ce qui provient de Minkébé du coté camerounais a été porté à dos d’hommes. Et donc chacun a pris ce qu’il voulait et tous les occupants sont partis. J’ai assisté au départ des dernières vagues. Mais avant cela, j’ai vu des gens plier leurs bagages et bien sur ils ont pris ce qu’ils pouvaient porter.

Mais certains ont écrit au président de la république pour lui demander de revenir sur sa décision d’aller récupérer leurs bagages. Si durant des années, les gens ont amené des tôles, des coussins, des draps, et je ne sais encore quoi, et s’ils sont restés sur place pendant 2 ou 3 ans, cela veut dire que certains d’entre eux n’ont donc pas pu tout amener.

N’est-ce pas un moyen pour eux d’aller chercher les pépites d’or qu’ils ont dissimulées dans les maisons ou derrière les cases.?

Je crois que vous avez raison. Mais je dis aussi que les expulsés avaient des choses de valeur, ils auraient certainement emportées. Pour moi, le problème pour moi est simple et c’est ce que j’ai  dis au général Ella Ekogah (ndl, chef d’Etat major général des forces armées gabonaise), c’est plus ou moins quelque chose de très délicat. Si on accepte que tous ces gens qui sont en situation irrégulière reviennent prendre leurs effets, de mon point de vue, je vois qu’on ramène le problème qu’on vient de résoudre’’.

Beaucoup évoquent l’existence d’une économie souterraine ?

‘’Il y avait presque tout ça. La frontière était complètement ouverte. Il n’y avait pas entre Djoum et Minkébé. Il n’y avait aucun contrôle. Les quelques autorités présentes sur les lieux pendant des années étaient complices de cette situation, c’est d’ailleurs pour ça que cela devenait très grave pour l’Etat. Ils y avaient de nombreuses armes qui rentraient, il y avait aussi beaucoup de chanvre indien, la zone de Minkébé était devenue la porte d’entrée au Gabon. Si cette situation perdurait, elle pouvait prendre des proportions dramatiques pour le pays. Mes investigations m’ont conduit à déduire qu’il y avait d’autres campements qu’ils commençaient à être créés et qui étaient l’œuvre de nombreux Ouest-africains. Si les pouvoirs publics avaient encore attendu un an ou deux, le pays auraient peut-être eu 10 Minkébé.

Les autorités ont-ils donc réglé une situation qui pouvait devenir difficile à la longue avec l’insécurité et le banditisme ?

‘’On avait déjà plus de 20 bandes dirigées par des Camerounais qui écumaient le parc. Il y avait 100 Gabonais présents et étaient armés de fusils de gros calibre pour abattre les éléphants. Il y trois mois, nous avons mis hors de foret des chasseurs camerounais qui étaient enfoncés aussi loin que la réserve de Wonga Wongué. Ces gens-là constituent de véritables réseaux des criminels. Je crois que le gouvernement a bien fait en réglant une situation sur laquelle il pouvait perdre le contrôle’’.

Parmi les populations rencontrées à Minkébé, il y a combien de Gabonais et combien d’étranger ? Ensuite, combien d’éléphants ont été tués pendant cette période ?

‘’On estiment à la fin de l’opération, même si nous ne disposons pas de chiffres fiables faute d’avoir effectué recensement selon les normes requises, qu’il y avait 5500 personnes à Minkébé, dont 400 Gabonais. La zone était peuplée à plus de 90% par des étrangers en situation irrégulière. A cela s’ajoute le fait qu’ils détenaient des faux documents administratifs.

En 2003, on comptait 187 personnes à Minkébé, dont 160 Gabonais, composés de kota et de kwélé, et qui sont des populations autochtones.

Pour ce qui est des éléphants, lors du recensement effectué dans la foret dans toute l’Afrique et dans le monde. Nous avons donc perdu, à notre de Minkébé  qui s’étend d’Oyem à Makokou en passant par Mitzic, jusqu’à la frontière avec le Cameroun,  on a estimé à environ 20.000 éléphants. Cette zone était la plus grande réserve d’éléphants de foret dans toute l’Afrique et dans le monde. Nous avons donc perdu, à notre avis 6 à 7 milles éléphants. Et la vitesse avec laquelle cet animal était pourchassé provoquait de légitimes inquiétudes. Dans les campements, nous avons découvert des concertations d’ivoire. Une estimation fiable de ma part me laisse penser qu’on a perdu près de 1000 éléphants’’.

Parlant des populations étrangères en situation irrégulière, qu’elles sont les autres nationalités en dehors des Camerounais ?

‘’Je n’ai pas de chiffres exacts, mais je sais qu’il y avait des Maliens, des Sénégalais, des Ghanéens des Nigérians, des Ivoiriens, les Burkinabé, des Tchadiens. Dans tous les cas, des ressortissants d’autres nationalités. Une chose est certaine, Minkébé était déjà aux mains de ces étrangers qui allaient finir, tôt ou tard, par dicter leur loi.


Source : Gabon Matin

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